Kommentar

Qui peut aider les Palestiniens?

Akram Belkaid © zvg

Akram Belkaid, Paris /  A l’heure où l’armée israélienne se prépare à une offensive terrestre contre Gaza, cette question est encore une fois posée.

Qui peut secourir ce peuple brimé, persécuté, qui refuse d’abandonner sa terre (de plus en plus émiettée) et que l’on ne cesse de punir pour cela ? Les Etats-Unis ? Certainement pas. Depuis toujours, l’Oncle Sam prend systématiquement parti pour l’état hébreu Qu’il s’agisse de son administration, de sa diplomatie ou même de ses principaux médias, les Palestiniens seront toujours les fautifs même s’ils meurent par dizaine et que leurs blessés se comptent par centaines.

Il y a quelques temps, circulait l’hypothèse selon laquelle Barack Obama prenait ses distances avec Tel Aviv et que cela inaugurait d’un nouveau rapport de forces au Proche-Orient. Il y a eu peut-être quelques velléités de rééquilibrage mais gardons en tête les nombreuses humiliations infligées à la diplomatie étasunienne par le gouvernement Netanyahou comme par exemple l’annonce de la construction de nouvelles colonies dans les Territoires occupés alors même que le Secrétaire d’Etat John Kerry était en visite officielle en Israël. A chaque fois, Washington a encaissé et est passé à autre chose.

Non, l’Amérique ne bougera pas. Par faiblesse, par calcul politique aussi. On sait ce que pèse le lobby pro-israélien dans les campagnes électorales. A la télévision, à la radio, dans la presse écrite, les congressmen et tous ceux qui composent le monde politico-médiatique de Washington s’empressent de clamer leur soutien à l’Etat hébreu. Dans le même temps, ils n’ont pas de mots assez durs à l’encontre des Palestiniens. On connaît la ritournelle. Ce seraient eux qui refuseraient la paix. Ce seraient eux les terroristes. Ce seraient eux les empêcheurs de vivre tranquille avec leurs roquettes artisanales qui, on le sait, sont aussi puissantes qu’un F16 ou un char d’assaut…

Aux Etats-Unis, les Palestiniens ont aussi un ennemi puissant. Il s’agit de Hollywood et de son industrie cinématographique. Qui peut citer un film produit au cours des vingt dernières années où les Arabes auraient le beau rôle. Où un personnage palestinien serait simplement décrit dans son humanité ? Dans une tranquille normalité ? Bien plus que le discours des politiciens et des médias, le cinéma hollywoodien façonne une représentation manichéenne où les Palestiniens sont les méchants, les créatures irrationnelles voire les héritiers des antisémites européens. Israël, elle, n’est que puissance, beauté, technologie et modernité.

Bien sûr, tout le monde n’est pas hermétique au sort des Palestiniens. Dans les milieux universitaires, par exemple, les soutiens se multiplient et la dénonciation de la politique d’apartheid pratiquée par Israël est régulièrement dénoncée. Ce n’est pas négligeable. Cela met du baume au cœur mais, à vrai dire, cela ne pèse guère dans l’appréciation générale. Du moins, pas pour le moment. Quant aux Américains d’origine arabe, il faut juste rappeler que les attentats du 11 septembre 2001 et les évènements qui ont suivi les ont tétanisés. Ce sont des communautés désormais sur la défensive, obligées de démontrer qu’elles sont intégrées et, même si elles n’en pensent pas moins, la question palestinienne n’est pas le genre de sujet pour lequel elles peuvent se mobiliser notamment sur le plan électoral.

Qui, pour aider les Palestiniens ? L’Europe ? Si la situation n’était pas aussi tragique, on pourrait en sourire. La chose est désormais entérinée. L’Europe n’est même plus dans la situation où, pour se donner bonne conscience, elle se contentait d’allonger les euros pour financer ce que l’aviation israélienne allait tôt ou tard détruire. A Bruxelles, ses institutions sont travaillées au corps par une armée de lobbyistes au service d’Israël. Bien sûr, la Commission européenne est bien obligée de faire semblant de respecter le droit international qui, par exemple, déclare les colonies illégales. Mais, dans les faits, Israël avance jour après jour ses pions au sein des instances et institutions communautaires. Bien sûr, les Palestiniens sont présents eux aussi à Bruxelles. Mais, de leur propre aveu, la disproportion des moyens est trop importante pour leur permettre de mener une lutte d’influence efficace.

Cela étant dit, on doit tout de même rendre aussi hommage aux nombreuses organisations des sociétés civiles européennes qui se mobilisent et donnent de la voix. Leur activisme, leur engagement, font honneur au continent où sont nées les Lumières. A dire vrai, heureusement que ces organisations existent et qu’elles compensent ce que le monde arabe dans son ensemble est incapable de réaliser.

Par ailleurs, et à l’inverse de ce qui se passe aux Etats-Unis, les communautés arabes ou musulmanes d’Europe sont moins enclines à se taire. Contrairement à ce qui était le cas il y a quelques décennies – on pense notamment à l’invasion du Liban en 1982 – dire haut et fort son soutien aux Palestiniens et sa détestation de la politique coloniale du gouvernement Netanyahou (ou de ceux qui l’ont précédé) n’est plus rare. Cela ne change pas forcément la donne mais, tôt ou tard, cela aura son importance sur le plan politique et électoral. C’est ce qui explique pourquoi les attaques contre ce type d’engagement sont nombreuses. Menées au nom de la lutte contre le communautarisme voire même de l’extrémisme, elles n’ont pour seul but que de faire taire celles et ceux qui entendent ne pas laisser passer sous silence le déni de droits fondamentaux dont sont victimes les Palestiniens.

Qui peut aider les Palestiniens ? Certainement pas les pays arabes et leurs dirigeants corrompus, efficaces quand il s’agit de cogner contre leurs propres peuples mais n’ayant aucun poids pour peser sur l’échiquier géopolitique moyen-oriental. Dans un dossier récent, l’hebdomadaire The Economist a estimé que seule la Tunisie était une démocratie en devenir dans le monde arabe. Confronté à de sérieuses difficultés, ce pays (qui a déjà payé son écot à la solidarité palestinienne) a des défis vitaux à relever. Quant à ses voisins, proches ou lointains, ils vivent dans le désordre permanent ou se bercent d’illusions quant à leur puissance. Pour eux, la Palestine, c’est loin et ce n’est en réalité qu’un slogan démagogique. De cela, les opinions publiques arabes en sont conscientes et cela entretient une colère que l’on pensait avoir disparu avec les révoltes de 2011.

Qui, pour aider les Palestiniens ? Ces armées de djihadistes qui se constituent ici et là avec l’étrange passivité des Etats-Unis et la bénédiction à peine avouée de leurs alliés du Golfe ? Certainement pas. Ces troupes sont bien trop occupées à massacrer leurs coreligionnaires pour se préoccuper du sort d’un peuple qui, finalement, a compris depuis longtemps qu’il ne peut compter que sur lui-même…
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Themenbezogene Interessenbindung der Autorin/des Autors

Der Autor ist Algerier. Er lebt seit langem als Journalist in Paris und hat sich auf die Entwicklung der arabischen Welt spezialisiert.

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