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Jill Abramson, Chefredaktorin der New York Times © lm

Jill Abramson, Chefredaktorin der New York Times

Robert Ruoff /  Sylvain Cypel schreibt in «Le Magazine», dem Magazin von «Le Monde», über Jill Abramson, «la première dame du ‚New York Times’».

Jill Abramson ist die erste Frau an der Spitze der «New York Times» in der 160jährigen Geschichte des Blattes. Auch in dieser Hinsicht eine Ausnahmeerscheinung im Journalismus Amerikas und der Welt. «Professionell eine ausgezeichnete Wahl», lautet das Expertenurteil, unabhängig davon, dass der liberale Arthur Ochs Sulzberger, der Erbe der NYT-Eigentümer, schon lange eine Frau für die Chefredaktion der Zeitung gesucht hat. Abramson leitet die «New York Times» seit September 2011.

Schnelle Karriere

Jill Abramson kam vom «Wall Street Journal» – noch bevor das Blatt in Rupert Murdochs Eigentum überging – begann als Reporterin, wurde schnell Stellvertreterin und dann Chefin des Washington Büros der NYT – wo sie sich auch einen bleibenden Fleck im journalistischen Reinheft holte. Abramson übersah, dass Judith Miller, ihre Korrespondentin für nationale Sicherheit, die Lüge von Saddam Husseins Massenvernichtungswaffen mit dem Verweis auf «vertrauenswürdige Quellen» verbreitete. Mit Judith Miller gelang es der George W.Bush-Administration, die «New York Times» für ihre Zwecke zu manipulieren. Vizepräsident Cheney, Verteidigungsminister Rumsfeld und die «Likudniks» Paul Wolfowitz, Richard Perle und Douglas Faith waren die erfolgreichen Drahtzieher. (Likud – Israels rechtskonservative Regierungspartei)

Führung im Übergang

Mit Jill Abramson an der Spitze wird die «New York Times» wohl erstmals von einer Journalistentruppe mit ausschliesslich nationaler Ausrichtung geführt. Abramson weiss das, und sie ist seit ihrem Amtsantritt im September immer wieder im Ausland unterwegs. Man wird sehen, wohin sie das amerikanische Prestige-Paper steuert.

Abramson weiss, dass Journalismus heute eine Multi-Channel-Arbeit ist: «Wenn ein Artikel fertig ist, wird er veröffentlicht: Online, im Web, im Blog, und auf der Hardcopy. Meine Aufgabe ist es, ihm die grösste mögliche Wirkung zu geben.»

Kritische Patriotin

Abramson bleibt den traditionellen angelsächsischen Regeln verpflichtet, der heiligen Trennung von Bericht und Kommentar. Und verweigert deshalb im Interview politische Meinungsäusserungen.

Ausser in patriotischen Fragen. Wer die amerikanische Demokratie verbessern will, sagt sie, soll ihr erst einmal zeigen, wo sie verbessert werden kann. Auch wenn das politische System zurzeit völlig blockiert ist. Und dass Amerikas Wirtschaft heute stagniert und die Löhne sinken und die Weltmacht darauf angewiesen ist, dass Asiens und Europas Wirtschaft in Schwung bleiben oder in Schwung kommen, um die US-Wirtschaft anzukurbeln.

Abramson weiss, dass in Amerika das Geld die Politik regiert. Und dass es die Aufgabe der NYT und vor allem ihres Washington Office sein wird, noch intensiver zu recherchieren und noch deutlicher zu zeigen, wie die (politischen) Lobby-Organisationen – wie «American Crossroads» des republikanischen Spin-Doktors Karl Rove – die Politik steuern.

Und sie wird vielleicht ihre Abneigung, Themen auch entgegen der öffentlichen Meinung pointiert anzugehen, überwinden müssen, wenn die «New York Times» auch in Zukunft mehr sein soll als eine Forumszeitung mit weichem Profil. Nach einigen journalistisch-ethischen Sündenfällen, die sich das – wie alle: finanziell angeschlagene – Weltblatt in den letzten Jahren geleistet hat, trifft ihr Kernsatz aber sicher zu: »Entscheidend ist, dass die Öffentlichkeit auch in dieser Übergangsphase (zur multimedialen Publizistik, R.) überzeugt bleibt, dass sie uns vertrauen kann.»

Und hier ein paar Kernaussagen aus dem ausführlichen Artikel von Sylvain Cypel:

JILL ABRAMSON, LA PREMIÈRE DAME DU «NEW YORK TIMES»

ELLE ACCORDAIT UNE HEURE. L’interview a commencé à l’heure dite, s’est close à l’heure prévue, et n’a été interrompue à aucun moment, sinon par l’assistante pour lancer : «Cinq minutes.» C’est suffisamment rare pour être souligné : la patronne est ponctuelle, organisée et apparemment carrée. Dans le journalisme, il y a deux types de «chefs», ceux dont le bureau est encombré jusqu’au plafond, et ceux qui l’aiment quasi vide. On vous laisse deviner à quoi ressemble celui de Jill Abramson, la nouvelle directrice de la rédaction du New York Times, le «plus grand journal du monde». Elle ne renierait pas la définition, elle qui, après sa nomination en juin, a plusieurs fois évoqué la «religion» qui, dès sa tendre enfance, a bercé l’achat et la lecture de ce quotidien dans sa famille. Certains le lui ont d’ailleurs reproché. Un journaliste, qui l’a connue à ses débuts, évoque «une véritable faute. Ce qui peut se dire dans des cercles éclairés à New York est impossible ailleurs. Pour la plupart des Américains, assimiler la lecture d’un journal à celle de la Bible est inadmissible. Dans sa nouvelle fonction, j’espère qu’elle a compris qu’elle devra être plus prudente dans ses propos».

(…)

SERAIT-CE À CAUSE DE SA «BOURDE» sur la «religion du Times» (ici, personne ne dit le New York Times, il n’existe qu’un Times…) qu’elle se fait donc, désormais, souvent lisse dans ses propos, elle qui, de notoriété publique, est plutôt abrupte ? Lorsqu’on l’interroge pour savoir si elle juge la démocratie américaine si «ingérable» sur le plan institutionnel qu’il faudrait éventuellement procéder à des modifications constitutionnelles substantielles – un thème que des politologues abordent aujourd’hui ouvertement – elle finit par répondre avec une minuscule pointe d’exaspération qu’elle » ne pense pas devoir répondre à une telle question. Demain, si je juge ce sujet important, je lancerai une grande enquête. Mais ce n’est ni mon rôle ni celui du New York Times de pousser dans le sens de réformes constitutionnelles. J’en suis consciente, la paralysie du fonctionnement de Washington est l’une des plus aiguës que ce pays ait connue. Mais si notre système n’est pas parfait, montrez-m’en un meilleur !» New-Yorkaise, oui, et aussi très Américaine : qui peut se prétendre «meilleur» que son pays ? Cela étant, aux Etats-Unis, la presse de qualité a érigé en dogme la séparation étanche entre production d’informations et pages éditoriales, où sont publiés éditoriaux, analyses et articles d’opinion. La mise en oeuvre pratique de ce principe n’est pas forcément respectée mais, pour Jill Abramson, ne pas répondre signifiait aussi ne pas sortir de son rôle.

(…)

Elle-même y est d’ailleurs entrée – en 1997, venant du Wall Street Journal – précisément parce que femme. La chronique veut que, peu auparavant, elle rencontre à une soirée Maureen Dowd, journaliste du quotidien (dont elle est aujourd’hui une chroniqueuse politique à la causticité diversement appréciée mais très lue). Le Times, lui apprend cette dernière, cherche à embaucher une femme reporter ; connaîtrait-elle quelqu’un ? «Oui, moi», aurait répondu Jill Abramson. L’histoire, réelle ou apocryphe, fait sens : ambition, confiance en soi, répartie. Jill est un » caractère «. Aujourd’hui chez Associated Press, Mike Oreskes, alors patron du bureau de Washington, un des postes les plus prestigieux du journal, qui l’invitera plus tard à le seconder, confirme : «Maureen me l’avait recommandée, je l’ai prise.» En quatorze ans, elle est parvenue au sommet.

(…)

Pour diriger le bureau de Washington, elle a jeté son dévolu sur David Leonhardt, 38 ans, brillant chroniqueur économique et, en cette période d’intenses débats sur la réduction des dépenses publiques, figure de proue de la tendance la plus keynésienne de la rédaction.
Elle confirme que cette nomination n’a rien de conjoncturel. » J’apprécie beaucoup sa manière de mêler les enjeux économiques et politiques. Certes, ceux-ci domineront la prochaine campagne présidentielle. Mais les problèmes posés par la stagnation de la croissance, la baisse des revenus moyens et la montée de la pauvreté ne cesseront pas avec le scrutin. Ils sont partis pour durer. » Juge-t-elle son pays en déclin ? Elle ne se prononce pas, mais estime que » le thème du déclin est dans l’air. La période Bush est révolue : l’économie américaine est immensément plus affectée qu’avant par le reste du monde, en particulier les économies européennes et asiatiques. Par ailleurs, notre population vieillit, et notre Etat fédéral est de moins en moins capable de gérer cet enjeu. Aujourd’hui, ce sont les Etats-Unis qui attendent de l’Asie et de l’Europe qu’elles croissent pour venir à leur aide «.

SES PROPOS INDUISENT L’IDÉE QUE L’HYPERPUISSANCE SOLITAIRE EST MORIBONDE. Elle estime aussi que la domination de «l’argent» sur la vie politique américaine est devenue un réel handicap. Ce thème «l’obsède». A Washington – où elle a passé pour le Times six ans comme chef adjointe puis chef de bureau (1997-2003) – elle a «beaucoup écrit sur le pouvoir des lobbyistes. Il a toujours existé, mais il dépasse maintenant tout ce qu’on a connu. C’est un sujet sur lequel il est difficile de recueillir de l’information fiable. Or, aux Etats-Unis, l’argent est le lait maternel dont se nourrit la politique. Plus j’ai progressé dans ma carrière, plus cette vérité m’est apparue manifeste». Pour une fois, le ton est monté d’un cran. On sent moins un jugement moral qu’une profonde inquiétude politique. Elle voudrait voir les enquêteurs du Times dévoiler plus encore les dessous cachés de ce «système» (le mot est d’elle) : elle évoque «le rôle joué par des organismes comme American Crossroads», un puissant lobby politique chargé du financement occulte des campagnes de candidats républicains érigé par Karl Rove, l’ex-conseiller de George W. Bush.

Mais ce qui, aujourd’hui, l’»intéresse plus encore, [c’est] la colère des citoyens américains. Bien sûr, avec la crise, d’énormes frustrations se sont accumulées. Mais il faut les mettre en perspective». Et elle est frappée par «le patriotisme, aussi bien du Tea Party que des occupants de Wall Street». Des deux côtés, on brandit des drapeaux américains dans les manifestations. Les frustrations sont individuelles, les colères collectives. «Nous avons augmenté notre réseau de correspondants en province, parce qu’il faut montrer la dimension de cette colère et en révéler le sens. C’est cela, notre responsabilité.» Manière de dire que l’économie n’est pas uniquement le suivi des marchés et la vie des entreprises.

(…)

LA CHOSE EST DITE, au détour d’une phrase, mais elle n’est pas le fruit du hasard. Jill Abramson sait que sa faille réside dans son absence d’expérience dans le domaine international, dans un journal qui en a fait sa marque de fabrique. Un confrère charitable lâche : «Elle est supertalentueuse, elle sent bien les coups, elle sait monter une bonne histoire en mayonnaise, mais sa grande faiblesse réside là. En plus, elle a choisi un adjoint au profil identique. Jamais dans l’histoire du journal, il n’y a eu une équipe de direction aussi faible sur les enjeux internationaux.» Vérification faite, quatre de ses cinq prédécesseurs – A. M. Rosenthal, Max Frankel, Joseph Lelieveld et Bill Keller – ont obtenu un prix Pulitzer pour leurs articles sur des thèmes de politique internationale. Le cinquième (Howell Raines) avait été chef de bureau à Londres. Son accession au poste serait-elle un signe d’accompagnement par le Times d’un repli sur elle-même d’une Amérique de plus en plus hantée par ses propres difficultés ? Notre interlocuteur avoue n’avoir pas envisagé la chose sous cet angle. Mais réflexion faite… «Elle est consciente de cette faiblesse et elle apprend très vite. Et puis, s’être déjà brûlé une fois les doigts aide à faire moins d’erreurs.»

La référence est évidente. Devenue chef du bureau de Washington, elle a vu débouler après le 11 septembre 2001 la journaliste Judith Miller, envoyée par la direction suivre les questions de sécurité nationale. A l’aide de sources présentées comme du plus haut niveau, et de ce fait fiables, Judith Miller va accréditer la thèse de la détention par Saddam Hussein d’armes de destruction massive (ADM). Elle finira par devoir quitter le Times, vu les preuves «fabriquées» dont abondaient ses articles, alimentés par les entourages du vice-président Dick Cheney et du secrétaire à la défense Donald Rumsfeld et par ceux qu’on appelait par dérision dans la capitale américaine les «Likoudniks de Washington» – Paul Wolfowitz, le numéro 2 du Pentagone, son conseiller politique Richard Perle, le sous-secrétaire Douglas Feith…

(…)

La sortie d’Arthur Ochs Sulzberger, Jr, le propriétaire du New York Times, visant spécifiquement le site du Huffington Post et vouant aux gémonies les pseudo-sites de news qui «abandonnent le travail cher et difficile» de la production intrinsèque d’informations validées et originales pour phagocyter ceux qui la produisent, elle y adhère sûrement. En plus des nouveaux supports, explique-t-elle, «l’arrivée des sites sociaux modifie l’organisation et la diffusion des informations. A nous de ne pas baisser de niveau». Pour que le Times préserve sa position, son pouvoir, son influence ? Aucun des termes ne lui convient. «Dans l’actuelle phase de transition, la clé est que l’opinion reste convaincue qu’elle peut nous faire confiance.»


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